Soumbalado à Mopti : une tradition en mutation

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À Mopti, une transformation silencieuse mais profonde est à l’œuvre. Le Soumbalado, tradition ancestrale du mois de Ramadan, est en train de se métamorphoser. Les orchestres de fortune, les batteurs de calebasse et les chants traditionnels cèdent progressivement la place aux rythmes modernes, aux haut-parleurs Bluetooth et à la musique contemporaine.

Au Mali, le Ramadan dépasse le cadre strict du jeûne et de la prière. Il est aussi un moment fort de vie communautaire, marqué par des rituels culturels profonds. Le Soumbalado, célébré à partir du dixième jour du mois sacré, fait partie intégrante de ces traditions vivantes, particulièrement dans les ruelles animées de Mopti et bien au-delà.

À la tombée de la nuit, les rues prennent vie. Les jeunes filles, le visage orné de peintures vives, se regroupent pour chanter et danser. L’une d’elles incarne « Dodo », une femme enceinte, personnage central de cette mise en scène festive. Pendant ce temps, les garçons – les Yogoro – se parent de costumes saisissants confectionnés à partir d’ossements et de cornes de vache. Avec leurs instruments rudimentaires, ils forment un orchestre itinérant et déambulent de maison en maison.

Cohésion sociale

Les familles accueillent ces visiteurs nocturnes avec joie, leur offrant riz, mil, argent ou autres présents. Le Soumbalado n’est pas qu’un simple divertissement : c’est un moment de partage, de transmission culturelle et de cohésion sociale, où la ferveur religieuse se mêle à la joie populaire.

Agna Samassékou, une femme octogénaire de Mopti, raconte avec ses souvenirs : « Nous avons trouvé le Soumbalado ainsi, car c’est une tradition ancienne. Depuis toujours, cette pratique existe. À partir du dixième jour du Ramadan, nous sortions faire du porte-à-porte avec nos instruments traditionnels. Nous utilisons une calebasse posée sur l’eau d’un bassin, que nous frappions avec un bâton et la main. En chantant et en dansant, nous recevions du mil, du sorgho, parfois de l’argent. Les céréales récoltées étaient revendues aux commerçants, et le quatrième jour de la fête de Ramadan, nous organisions un grand festin avec toutes les participantes. »

Des femmes âgées

Mais aujourd’hui, cette tradition évolue. Si elle continue d’exister, son visage change : les jeunes filles délaissent les instruments traditionnels pour des haut-parleurs Bluetooth diffusant des musiques à la mode. La dimension culturelle laisse place à une dynamique plus festive, où les dons en nature ont été remplacés par de l’argent. Autrefois réservée aux jeunes filles, la pratique s’ouvre désormais à des femmes plus âgées, signe d’une adaptation constante aux réalités sociales.

À Mopti, le Soumbalado vit une nouvelle époque. Entre mémoire et modernité, il témoigne de la capacité des traditions à se réinventer sans se renier. 

Mohamed Nienta



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