Défense à 5 % du PIB : moteur de sécurité pour l’OTAN ou fardeau pour les démocraties ?

NATO Secretary General Mark Rutte and NATO Heads of State and Government
L’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) vient de franchir un tournant historique. Réunis à La Haye, aux Pays Bas, les 32 États membres de l’Alliance ont convenu d’augmenter leurs dépenses militaires à hauteur de 5 % du PIB d’ici 2035. Une décision inédite, prise dans un contexte mondial marqué par la guerre en Ukraine, la montée des menaces hybrides, l’instabilité géopolitique et des tensions croissantes au sein de l’espace transatlantique.
Cet engagement financier massif vise à renforcer la crédibilité et la capacité de dissuasion de l’OTAN. Dans un monde où les formes de guerre évoluent (drones, désinformation et sabotages) l’Alliance veut prouver qu’elle est prête. Dédier 5 % du produit intérieur brut (PIB) à la défense, c’est envoyer un message clair pour les pays membres, la paix a un coût, et il sera assumé.
Ce signal vise aussi des adversaires potentiels comme la Russie ou la Chine, accusés par les occidentaux de défier les règles du droit international. Mais l’impact va bien au-delà du militaire. Il interroge directement les priorités des États membres.
Une difficile pression budgétaire
Pour de nombreux pays européens, cet objectif représente une contrainte budgétaire immense. Consacrer une telle part du PIB à la défense impliquera des choix difficiles, au détriment de secteurs essentiels comme la santé, l’éducation ou la transition écologique. Dans un contexte d’inflation et de fracture sociale, les citoyens accepteront-ils de sacrifier leur sécurité sociale pour renforcer leur sécurité militaire ? La stabilité d’une nation ne repose-t-elle pas aussi sur la cohésion sociale ?
La cybersécurité, la lutte contre la désinformation… L’OTAN tente d’intégrer les défis contemporains. Mais sans un dialogue démocratique solide, cette mutation risque de renforcer la défiance envers les institutions et d’alimenter un sentiment d’impuissance parmi les citoyens.
Derrière cet effort budgétaire, se profile aussi une volonté de rassurer les États-Unis en particulier Donald Trump, critique récurrent de l’Alliance. L’Europe, en acceptant d’aligner ses priorités sur les exigences américaines, risque cependant de négliger ses propres besoins stratégiques. La souveraineté européenne passe-t-elle par une dépendance militaire croissante à l’agenda de Washington ?
Et dans le Sahel ?
Cette dynamique internationale pourrait bien faire écho dans des régions plus fragiles comme le Sahel, notamment au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES). Pour ces pays en transition politique comme le Mali ou le Burkina Faso, cette montée en puissance militaire en Europe pourrait justifier la leur. Or, les menaces auxquelles ces pays font face sont différentes. Celles de l’AES relèvent moins de la guerre conventionnelle que de l’insécurité sociale, du terrorisme, ou du déficit de gouvernance.
L’augmentation des budgets militaires dans cette région s’est déjà traduite par une réduction visible des dépenses dans les services publics de base. Jusqu’où les citoyens du Sahel (comme ceux d’Europe) sont-ils prêts à sacrifier leur bien-être quotidien au nom de la sécurité ?
L’ambition de l’OTAN peut être salutaire si elle sert une sécurité collective repensée, fondée sur la coopération, la résilience et la défense des valeurs démocratiques. Mais elle deviendrait périlleuse si elle déclenchait une nouvelle course à l’armement, déconnectée des réalités sociales. Car la sécurité ne se mesure pas qu’en pourcentage du PIB. Elle se construit aussi dans la justice, la confiance et la paix.
LA RÉDACTION