Cyberviolence : quand les réseaux sociaux deviennent des armes de destruction

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Harcèlement, extorsion, intimidation… Les réseaux sociaux, outils de communication à l’origine, deviennent un terrain fertile pour des actes criminels touchant particulièrement les femmes, mais pas exclusivement. Au Mali, la loi peine encore à contenir une violence numérique aux formes multiples.

Autrefois perçus comme des outils de liberté et d’expression, les réseaux sociaux sont devenus, pour certains, des instruments de violence. Harcèlement en ligne, escroquerie, diffusion de contenus pornographiques non sollicités. Des pratiques qui gangrènent les espaces numériques. « De grands bandits utilisent désormais cet autre pan des réseaux sociaux pour détruire les personnes de bonne foi, contre toutes les mœurs et coutumes de notre société », alerte un analyste.

La violence basée sur le genre en ligne prend des formes diverses, intimidation, menaces, harcèlement, parfois jusqu’à la tentative de chantage ou d’humiliation publique. Les statistiques de l’ONU révèlent que 95 % des contenus agressifs ou dégradants en ligne visent les femmes, souvent de la part de partenaires ou d’ex-partenaires masculins.

«Les jeunes cherchent à imiter des modèles numériques fictifs, ce qui engendre des troubles de la personnalité. Ils s’exposent sans filtre, divulguent des données sensibles, et parfois même des photos intimes. » alerte le sociologue Souleymane Diarra. Il estime que cela peut avoir des conséquences psychologiques importantes. 

Des technologies à double tranchant

Pour l’informaticien Boulkassim Drabo, les technologies de l’information sont une arme à double tranchant. « Elles sont utilisées par les auteurs de violences pour renforcer leur contrôle, mais aussi par les victimes pour obtenir de l’aide, et par les défenseurs des droits pour informer et agir. » Il regrette toutefois le manque de sensibilisation : « Une grande partie des utilisateurs ignore les inconvénients d’une mauvaise utilisation de ces outils. » 

Une loi existe, mais mal connue

Depuis 2019, le Mali s’est doté d’un cadre juridique spécifique pour lutter contre la cybercriminalité. Selon Mme Nantenin Niambélé, militante des droits humains, des arrestations ont lieu régulièrement. Toutefois, elle précise que le harcèlement est une infraction distincte « Seul le milieu judiciaire peut trancher avec des articles précis. »

Un point contesté par M. Cissé, agent de l’ONG Wildaf Mali, pour qui les femmes ne mesurent pas toujours les risques. il explique « Nous avons reçu des plaintes de femmes harcelées après avoir envoyé elles-mêmes des photos compromettantes. »

Mme Touré ( nom modifié), victime de chantage par son ex-compagnon, a vu sa vie basculer : « Il a menacé de montrer nos photos intimes à mon mari si je ne payais pas. J’ai cédé deux fois. » Traumatisée, elle a coupé tout lien avec les réseaux sociaux.

Même les hommes ne sont pas à l’abri. Fofana Barou, entrepreneur, raconte son expérience. « Une fille a commencé à me harceler en ligne après un refus. Elle a même contacté ma femme avec des messages vocaux WhatsApp. » Il appelle à la prudence et rappelle que les réseaux sociaux peuvent aussi être des outils d’apprentissage, à condition d’en faire bon usage.

Une justice mieux armée, mais débordée

Abdoulaye Mangara, substitut du procureur près du Tribunal de grande instance de la commune IV, confirme l’évolution législative « La loi 2019-056 réprime de nombreux comportements déviants. Les plaintes peuvent être déposées auprès du procureur ou des forces de l’ordre. » Il rappelle que les associations de la société civile peuvent se constituer partie civile dans les cas de cyberviolence, et jouer un rôle crucial dans la sensibilisation et la protection des victimes. 

La nature même des technologies numériques facilite les abus : anonymat, rapidité de diffusion, difficulté d’identification, reproduction illimitée des contenus… Autant d’atouts pour les agresseurs. Le suivi de la localisation en temps réel ou le piratage de données personnelles sont devenus monnaie courante.

Face à cette menace, la responsabilité est partagée. Fournisseurs de services, développeurs, opérateurs de télécommunications et gouvernements ont tous un rôle à jouer pour garantir la sécurité des usagers et adapter les lois aux nouvelles formes de violence.

Fatoumata Traoré

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