Djenné, le patrimoine en péril

La ville de Djenné souffre énormément de l’absence du tourisme. Sa mosquée qui attirait les touristes du monde entier, n’arrive même plus à avoir de la visite des maliens de l’intérieur à cause de la situation sécuritaire.
La crise dans la région de Mopti arrive très facilement à faire de l’ombre à tous ceux qui faisaient la beauté et l’admiration de cette partie du Mali aux yeux du monde extérieur. Les touristes ont déserté les hauts lieux touristiques de la région ( le plateau Dogon et la ville de Djenné) depuis le début de la crise en 2011. Entre temps, la crise a pris d’autres formes et le Centre s’est embrassé. Que devient la ville touristique de Djenné et sa grande mosquée ?
La concurrence à distance
A quelques mètres de l’entrée de la ville, la traversée de l’affluent du Niger, le Bani est un passage obligé pour toutes personnes désireuses de faire un tour dans la ville. Deux bacs datant du régime de Moussa Traoré, assurent la traversée d’un rive à l’autre des véhicules, des motos, des charrettes et des personnes.
Le pont de Djenné est une longue histoire, la menace djihadiste est passée par là. Le chantier de construction du pont a été attaqué et des engins ont été détruits. Une autre entreprise est chargée des travaux de finitions, qui n y arrive pas pour l’instant au grand bonheur de Kaboro Naciré et son équipe qui s’occupe des deux bacs.
«Nous gagnons notre vie avec ce travail. Cela fait plus d’une dizaine d’année que je travaille sur ce bac. Aujourd’hui la ville n’est pas aussi fréquentée qu’avant la crise, sinon lorsque les touristes venaient on pouvait passer toute la journée à faire traverser les véhicules. La construction du pont est une menace sérieuse sur notre activité mais la concurrence n’a pas encore démarré, on attend voir», explique t-il.
Les séquelles de la crise se font beaucoup sentir dans la ville. Les gens réfléchissent à plusieurs reprises avant de répondre aux différentes sollicitations. C’était un samedi, nous avons fait le tour de la ville, pas une grande affluence au marché, car à Djenné, c’est le lundi qui est jour de foire hebdomadaire où les gens viennent dans les villages environnants. Mais tout le monde semble regretter la période touristique.
«L’économie de la ville se meurt à petit feu. Personne ne peut faire quelque chose, car il faut le retour de la paix pour espérer avoir une situation normale. Il ne reste plus que l’échange local car les étrangers viennent de moins en moins», témoigne un commerçant détaillant de la ville.
Une mosquée légendaire
Magistralement plantée au beau milieu du centre-ville, elle est toujours là, magnifique et splendide : la grande mosquée de Djenné. Nous l’avons visité, en compagnie de Mamy Nientao l’un des muezzins, il nous a fait faire le tour de la mosquée et nous a raconté son histoire.
« La mosquée de Djenné n’est pas construite sur une fille. Au moment du sacrifice de la jeune fille, il n y avait pas de mosquée, tient à préciser Mamy Nientao. L’Islam a fait plus de cent ans avant la construction de la mosquée».
Entre un mélange de modernité et d’ancienneté, cette mosquée date de 1906 ( les travaux ont terminé en 1907) en remplacement à deux autres construites dans le passé. Selon le muezzin, sa construction a demandé l’appui des architectes yéménites. La mosquée est battue sur une superficie d’un hectare, sa hauteur est de 20 mètres, le toit est soutenu par 99 piliers ( en référence au 99 noms d’Allah). Les mûrs mesures 20 à 30 cm d’épaisseur.
Patrimoine mondial de l’Unesco
Les briques de remplacement sont constituées de son de riz, de baobab, de miel et d’huile de karité qu’on mélange et conserve de deux à trois mois pour faire la réparation. A chaque mois d’avril, la population locale participe au crépissage de la mosquée. Depuis quelques temps, la ventilation traditionnelle qui était constituée de 104 fenêtres, a fait place à la ventilation moderne avec un système d’électricité obtenu à partir de l’énergie solaire. Une place est réservée aux tombes des saints à l’intérieur de la mosquée.
Ce joyau architectural soudano-sahélien ainsi que la ville de Djenné sont inscrits sur la liste dupatrimoine mondial de l’Unesco depuis 1988. Mais elle semble être oubliée à cause de la crise sécuritaire. Pire, en 2016, elle a été placée sur la liste du patrimoine en péril à cause de la menace djihadiste.
Yacouba DRAME