Journée internationale de fact-checking : « je vois le futur du fact-checking au Mali, dans l’espoir qu’on parviendra un jour à le considérer comme un métier à part entière… »

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Ce 2 avril 2023, dans le cadre de la célébration de la journée internationale de fact-checking , Sagaïdou Bilal, blogueur, journaliste et fact-checkeur, répond à nos questions. Il travaille au compte de Benbere et Tama média ( deux médias en ligne au Mali et en France).

La Voix de Mopti : À quoi consiste le travail d’un  fact-checkeur ? Quels sont vos outils de travail ?

Sagaïdou Bilal : Le travail d’un fact-checkeur consiste, pour parler en grosso modo, à démêler le vrai du faux, à vérifier les informations douteuses. Il ne suffit pas pour un fact-checkeur de dire que c’est vrai ou faux, mais plutôt de présenter des éléments factuels disponibles pour montrer la fausseté ou la véracité d’une information. Pour ce faire, il faut nécessairement maîtriser les techniques de vérification, connaître et savoir utiliser à bon escient les outils de vérification, suivre les innovations en la matière. Le fact-checkeur, dans son travail, doit également faire une veille médiatique continuelle, à chercher des informations douteuses ou à les recevoir pour analyse et vérification. Il doit être présent sur les réseaux sociaux et sur internet, et suivre les médias.

J’utilise les moteurs de recherche, notamment Google et Bing, les barres de recherche des réseaux sociaux, Twitter et Facebook, avec des mots-clés. Pour le reste, je fais parler l’internet en gagnant du temps, à travers notamment d’autres logiciels de fact-checking et l’OSINT. À noter que les outils aident, mais ne remplacent pas l’homme.

Quelles sont les exigences du métier ?

Je pense qu’il est aussi important de connaître les dynamiques sociopolitiques de la zone qu’on couvre ou sur laquelle l’on travaille. Son travail lui exige surtout à faire toujours preuve de professionnalisme, d’esprit critique, de rigueur et de pédagogie. Il s’agit là en quelque sorte du volet concernant la pratique du fact-checking. Il y a un autre qui consiste essentiellement à la sensibilisation sur le phénomène de la désinformation et à la formation notamment sur les techniques de vérification. Ce qui rentre en quelque sorte dans ce qu’on appelle éducation aux médias.

Quelles sont les fausses informations qui circulent le plus au Mali ?

Ce sont les images et vidéos, manipulées ou sorties de leurs contextes exacts, et les audios, qui circulent le plus au Mali. Il y a également les textes comme les publications sur les réseaux sociaux, dans la presse, venant des sources officielles et des personnalités, mais aussi des déclarations et communiqués faussement attribués. À ceux-ci s’ajoute le partage des liens suspects, surtout pour des fausses offres d’emploi, de bourses d’études, entre autres.

Savez-vous qui sont les acteurs de la désinformation au Mali ?

Si on parle en termes de secteur, les infox qui circulent le plus sont faites très souvent sur la sécurité, la situation sociopolitique, des sujets de société, et par moment sur la Covid-19. Ces infox sont généralement créées pour soit soutenir les autorités de la transition ou les critiquer, soit pour soutenir la France ou la critiquer, soit pour soutenir la Russie ou la critiquer, sans parler de la Cedeao, de la Côte d’Ivoire et du Niger.

Sagaïdou Bilal, lors d’un reportage sur le terrain à Mopti.

Quel est l’impact de votre travail de vérification dans la lutte contre les fausses informations ?

Je pense que c’est surtout le fait d’avoir contribué, grâce à mes productions, à la promotion de la pratique du fact-checking et la lutte contre la désinformation dans le pays, notamment pour faire valoir le droit à l’information sur des sujets d’intérêt général touchant nos populations. Il arrive très souvent que des gens me sollicitent en « off » pour me demander si telle ou telle chose est vraie ou non. Ou encore me taguer sous des publications douteuses. Aujourd’hui, il y a au Mali de nombreuses initiatives et de nombreux fact-checkeurs. Je crois que c’est aussi de l’impact à mettre à l’actif des premiers fact-checkeurs maliens et partenaires.

Avez-vous eu des difficultés ou des menaces dans le cadre de votre travail ?

Les difficultés, oui, mais pas encore de menaces à proprement parler. Les difficultés viennent généralement lorsque je suis contraint de faire recours à des sources humaines, officielles ou non, pour boucler un papier. Quand vous ne trouvez pas des données disponibles en ligne, ça devient souvent le parcours du combattant.

Comment voyez-vous le futur du fact-checking au Mali ?

Plus d’initiatives citoyennes et médiatiques de fact-checking, plus de fact-checkeurs et de journalistes, plus de sensibilisation sur le phénomène de la désinformation et ses conséquences, plus de partenaires techniques et financiers pour accompagner la pratique du fact-checking et l’éducation aux médias. Voilà comment je vois le futur du fact-checking au Mali, dans l’espoir qu’on parviendra un jour à le considérer comme un métier à part entière, qui nécessite assez d’énergie et de concentration.

YACOUBA DRAME

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